Dormir n’est pas faire, ni penser, ni vouloir c’est seulement être.
Et nous avons, dans nos sociétés modernes et plus encore dans notre monde connecté oublié ce qu’est d’être. Dormir est trop souvent assimilé à un temps perdu, des expériences en moins, de l’improductivité à l’état brut, comme si dormir était une anti-vie.

Passer une immense partie de sa vie endormis, dégagés du bourbier des besoins factices, demeure l’un des plus grands affronts que les êtres humains puissent faire à la voracité du capitalisme contemporain.
24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil – Jonathan Crary
Pendant que je dors, le monde tourne sans moi ; le monde produit du matériel, le monde communique, le monde vend achète sans moi. Moi, pendant ce temps, je ne produis que des rêves qui n’ont de valeur que pour moi.
Paradoxalement, ce n’est pas tout à fait ça. Mon sommeil, c’est aussi le moment où mon esprit fait le tri de toutes les informations que j’ai perçues dans la journée, consciemment ou non. C’est le temps dont j’ai besoin pour enregistrer, pour apprendre. Un moment indispensable à tout processus cognitif. Être privé de sommeil, c’est limiter mon apprentissage et par là empêcher toute évolution, toute progression et donc à terme me rendre moins efficace, moins rentable.
Même d’un point de vue économique le sommeil est positif et devrait être protégé par nos sociétés de même que notre alimentation, notre eau, notre air, notre habitat, notre santé, notre sécurité. Ces éléments fondamentaux de notre qualité de vie ne sont pas un luxe mais un besoin bien réel.
Dormir, c’est accepter de se rendre vulnérable
Le sommeil est l’une des rares expériences qui nous restent où, sciemment ou non, nous nous abandonnons nous-mêmes au soin d’autrui
24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil – Jonathan Crary
Ce vieux réflexe animal engendre pas mal d’insomnie. Quand je dors je ne suis pas prête à réagir en cas d’attaque, pendant que je dors ma sécurité est en jeu. Depuis le début de l’humanité, la société s’est organisée, pour que pendant que les uns dorment, les autres montent la garde à tour de rôle. La sensation de sécurité est indispensable au sommeil. Pour remplir cette condition, le lieu dans lequel je dors doit être clos et calme.Si je ne dors pas seul-e, ma confiance en l’autre doit être totale. Si j’ai peur d’être dans le noir, alors je dois laisser mes volets ouverts pour profiter de la lumière de la nuit. L’obscurité n’est totale qu’en cas de nuages intenses car même en pleine campagne, le ciel se charge toujours de quelques lueurs grâce aux reflets de la Lune, et aux étoiles.

Dormir, c’est lâcher prise
Pour dormir, je dois arrêter momentanément toutes mes activités, économiques, sociales et familiales et surtout je dois accepter d’arrêter de penser. Au moment l’on s’apprête à s’endormir ou à l’occasion d’un bref réveil anodin dans la nuit, notre esprit fait défiler nos pensées et souvent les plus anxiogènes. C’est lié au besoin de sécurité et à la difficulté que nous rencontrons tous de rester dans l’instant présent sans nous projeter vers le futur. Le soir, la nuit sont des moments de transition vers une autre journée durant lesquels notre cerveau humain, toujours trop pressé, a du mal à rester centré sur nos sensations réelles et physiques du moment. Pour peu que ces sensations soient douloureuses, la difficulté est accentuée.
Ce moment de lâcher prise qui précède le sommeil peut devenir une source d’angoisse. Si nous avons vécu plusieurs nuit de suite sans pouvoir nous endormir sereinement, notre esprit risque d’anticiper ce moment chargé d’impressions et de jugements négatifs – je vais encore avoir mal ici ou là – de toute façon, je suis insomniaque – je suis trop fatiguée pour dormir – je ne vais pas m’endormir avant des heures- … et va recréer les conditions qui rendent impossible l’endormissement. Pour sortir de ce cercle vicieux, outre une hygiène de vie adaptée (alimentation, activités) il faut entraîner REGULIEREMENT son esprit à cette relaxation nécessaire, par la méditation par exemple. Attention, je ne parle pas ici de s’endormir en écoutant une méditation guidée ou de la musique : pour s’assurer d’un sommeil de qualité, nous devons nous endormir naturellement, seul. Je parle d’un réel entrainement de l’esprit pour apaiser le flux des idées et des pensées le soir venu, de l’habituer à prendre de la hauteur pour mieux définir nos émotions et les prendre pour ce qu’elles sont et comprendre que ce ne sont pas des réalités.
Pour atteindre cette sérénité, surtout si l’on est sujet aux angoisses du soir ou du genre lister tout ce que l’on aurait du faire, il est nécessaire parfois de se faire aider ponctuellement : en prenant quelques “cours” de relaxation pour pouvoir s’approprier des outils, en suivant quelques méditations guidées en audio ou mieux encore en présentiel, en apprenant un peu de Do-In, et, très efficace, en recevant quelques séances de Shiatsu. Pendant ces séances, d’une part, le praticien va libérer le Qi (le mouvement de l’énergie) qui reste figé dans certains méridiens et part d’autre, le corps et l’esprit perçoivent le relâchement quasi-instantané qui se produit pendant la séance ; ils ré-apprennent cette sensation oubliée et le plaisir qu’elle procure. Rapidement, le receveur rappellera à lui cette sensation de façon inconsciente dès qu’il s’installera pour s’endormir.